De la racine sémitique /*gbl/ qui signifiait « frontière » ou « montagne » sont issus aussi bien l’hébreu גבל /gabal/ « montagne » que l’arabe جبل /jabal/ de même sens. C’est sous la prononciation algérienne de ce dernier que les soldats français d’Algérie avaient emprunté le mot djebel pour désigner les hauteurs dans lesquelles les résistants algériens avaient pris l’habitude de se réfugier. On disait alors « les fellaghas sont dans le djebel ». L’adjectif dérivé جبلي /jably/ « montagnard » a donné les patronymes algériens Djeblaoui ou Djebli mais a aussi été emprunté par l’espagnol, déformé par sa phonétique sous la forme jabali /ẖabali/ pour désigner le « sanglier » (le [cochon] montagnard). Ce terme espagnol a voyagé jusqu’aux Etats Unis où l’anglais javelina désigne le pécari, un lointain cousin de nos cochons sauvages.
Souvent employé en toponymie l’arabe جبل /jabal/ se retrouve jusque dans le nom de la ville indienne de Jabalpur « la ville de la montagne », capitale de la secte des Etrangleurs, les Thugs (de l’hindi Qg /ṭhaga/ « charlatan », « tricheur » emprunté par l’anglais thug « brute sanguinaire »). Plus proche de nous c’est par une altération phonétique que le nom de la montagne طرق جبل /jabal ṭariq/ « montagne de Tariq» est devenue Gibraltar. Ce Tariq de son nom complet Tariq ibn Ziyad était un conquérant berbère omeyade qui fut à l’origine de la domination maghrébine de l’Espagne. Avant lui cette montagne était appelée par les Grecs Herculis Columnae « colonnes d’Hercule » et ce sont elles qui figurent sur le dollar espagnol avec en superposition une banderole qui forme un S, l’origine de la graphie ancienne du dollar $.
Détail des Colonnes d'Hercule sur le drapeau espagnol
C’est aussi sous la forme actuelle de جبيل /jubayl/ que la langue arabe désigne l’antique ville phénicienne de Gebal ou Gubla que les Grecs allaient plus tard appeler βύβλος Byblos. L’origine du nom de cette ville libanaise proche de Beyrouth pourrait comme elle porter la trace du mot « puits » mais le mot « montagne » parait une étymologie plus plausible. Toujours est-il que notre mot bible provient du nom de la Byblos gréco-libanaise.
Quoi qu’il en soit, la ville de Byblos était un port commercial de première importance durant l’antiquité et c’est notamment par là que transitait le papyrus égyptien, le papier de l’époque que les Grecs nomment βύϐλος býblos en référence au nom de cette ville. Très vite le mot a évolué vers la forme βιβλίον biblion pour désigner les livres et notamment le livre de référence de l’époque : la bible. En grec moderne le mot livre est toujours rendu par βιβλίο biblio et en français on en connaît de nombreux dérivés tels que bibliothèque, bibliographie ou bibliophile.
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