C’est en 765 que le deuxième calife abbasside Al-Mansur décide la création de sa nouvelle capitale à laquelle il donne le nom persan de Bagdad. Le mot Bagdad بغرار /baġdad/ est composé de deux mots qui signifient « Dieu-donnée » ou « donnée par Dieu ».
Le premier provient du vieux persan /baga/ « dieu », lui-même issu de la racine indo-européenne /*bhag-/ « partager, distribuer » voir Boukhara. C’est cette racine qui a donné le sanskrit भाग /bhāga/ « bonne fortune, prospérité, seigneur » étendu en भागवत /bhāgavata/ « relatif à Dieu » et à l'origine du nom d'un des livres essentiels de l’hindouisme, la भगवद्गीता Bhāgavad-Gītā « le chant du Divin ou chant du Bienheureux ». Le mot pagode est certainement la prononciation tamoule de ce même भागवत /bhāgavata/ et désignait alors la déesse Kali. Ce sont les Portugais qui en modifièrent le sens pour lui donner celui d'un lieu de culte païen.
La racine indo-européenne /*bhag/ a par ailleurs produit l’avestique /baẖš-/ duquel est issu le persan بخشش /bakhšiš/ bakchich « don, cadeau ». plus tard emprunté par l’arabe بقشيش /baqšīš/.
Pour illustrer à quel point les langues européennes et les langues indo-iraniennes peuvent être proches, nous pouvons ajouter à cette liste le mot russe бог /bog/ « dieu » que l’on retrouve aussi dans d’autres langues slaves (croate, polonais). Il entre dans la composition de patronymes slaves :
- le prénom Богдан Bogdan (donné par Dieu, « Dieudonné ») porté par plusieurs rois moldaves et utilisé actuellement par une compagnie industrielle ukrainienne, productrice de véhicules.
- les patronymes Богданов Bogdanov (féminin Богданова Bogdanova) très répandu en Russie.
- le prénom Богомил Bogomile « cher à Dieu », notamment porté par un prêtre bulgare du 10ème siècle à l’origine d’un courant gnostique (le bogomilisme) peut-être à l’origine du mouvement cathare et comme lui considéré comme hérétique par l’Eglise romaine voir manichéisme
Les artisans de Bagdad produisaient une étoffe que les Italiens appelaient baldacchino en référence à la ville que les Toscans connaissaient sous le nom de Baldacco « Baghdad ». Le français en a fait le mot baldaquin qui en langage moderne n’entre plus que dans la construction « lit à baldaquin ».
La deuxième partie du mot Bagdad, c’est à dire /dad/ « donné » est le participe passé du mot persan رارن /dâdan/ « donner », issu de la racine indo-européenne /*dō/ « donner ». De là provient aussi le français « donner » (par le latin donare) ou le russe дать /dat'/ « donner », origine du mot дача /dača/ datcha qui était – avant de devenir une « petite maison de campagne » – une « terre donnée » en récompense.
Le joueur de tennis chypriote Márcos Baghdatís a hérité son nom de son père d'origine libanaise. En grec (une des langues de Chypre), ce patronyme prend la forme Παγδατής /pagdatis/ alors que la ville irakienne a gardé le /b/ initial dans sa forme grecque Βαγδάτη /bagdate/.
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