30 oct. 2011

Pagode à Bagdad, Bogdanov le bogomile, bakchich et baldaquin




C’est en 765 que le deuxième calife abbasside Al-Mansur décide la création de sa nouvelle capitale à laquelle il donne le nom persan de Bagdad. Le mot Bagdad بغرار /baġdad/ est composé de deux mots qui signifient « Dieu-donnée » ou « donnée par Dieu ».

Le premier provient du vieux persan /baga/ « dieu », lui-même issu de la racine indo-européenne /*bhag-/ « partager, distribuer » voir Boukhara. C’est cette racine qui a donné le sanskrit भाग /bhāga/ « bonne fortune, prospérité, seigneur » étendu en भागवत /bhāgavata/ « relatif à Dieu » et à l'origine du nom d'un des livres essentiels de l’hindouisme, la भगवद्गीता About this sound Bhāgavad-Gītā « le chant du Divin ou chant du Bienheureux ». Le mot pagode est certainement la prononciation tamoule de ce même भागवत /bhāgavata/ et désignait alors la déesse Kali. Ce sont les Portugais qui en modifièrent le sens pour lui donner celui d'un lieu de culte païen.

La racine indo-européenne /*bhag/ a par ailleurs produit l’avestique /baẖš-/ duquel est issu le persan بخشش /bakhšiš/ bakchich « don, cadeau ». plus tard emprunté par l’arabe بقشيش /baqšīš/.

Pour illustrer à quel point les langues européennes et les langues indo-iraniennes peuvent être proches, nous pouvons ajouter à cette liste le mot russe бог /bog/ « dieu » que l’on retrouve aussi dans d’autres langues slaves (croate, polonais). Il entre dans la composition de patronymes slaves :
- le prénom Богдан Bogdan (donné par Dieu, « Dieudonné ») porté par plusieurs rois moldaves et utilisé actuellement par une compagnie industrielle ukrainienne, productrice de véhicules.
- les patronymes Богданов Bogdanov (féminin Богданова Bogdanova) très répandu en Russie.
- le prénom Богомил Bogomile « cher à Dieu », notamment porté par un prêtre bulgare du 10ème siècle à l’origine d’un courant gnostique (le bogomilisme) peut-être à l’origine du mouvement cathare et comme lui considéré comme hérétique par l’Eglise romaine voir manichéisme

Les artisans de Bagdad produisaient une étoffe que les Italiens appelaient baldacchino en référence à la ville que les Toscans connaissaient sous le nom de Baldacco « Baghdad ». Le français en a fait le mot baldaquin qui en langage moderne n’entre plus que dans la construction « lit à baldaquin ».






La deuxième partie du mot Bagdad, c’est à dire /dad/ « donné » est le participe passé du mot persan رارن /dâdan/ « donner », issu de la racine indo-européenne /*dō/ « donner ». De là provient aussi le français « donner » (par le latin donare) ou le russe дать /dat'/ « donner », origine du mot дача About this sound /dača/ datcha qui était – avant de devenir une « petite maison de campagne » – une « terre donnée » en récompense.


Le joueur de tennis chypriote Márcos Baghdatís a hérité son nom de son père d'origine libanaise. En grec (une des langues de Chypre), ce patronyme prend la forme Παγδατής /pagdatis/ alors que la ville irakienne a gardé le /b/ initial dans sa forme grecque Βαγδάτη /bagdate/.


Sujet similaire traité par Amin Maalouf


27 oct. 2011

Boutique et magasin, magazine et Makhzen


Boutique est un emprunt au grec άποθήκη /apothêke/ « lieu de dépôt » dans lequel le mot θήκη /thêke/ signifie « boîte » que l’on retrouve dans bibliothèque « boîte à livre ». Le provençal botica a servi d’intermédiaire entre le grec et le français et on retrouve le mot dans l’espagnol bodega dont le sens moderne est « cave » ou « grenier » mais a aussi pris le sens dérivé de « marchand de vin, bistrot ».
 


C’est la même idée de« lieu de dépôt » que porte le mot d’origine arabe magasin. L’arabe مخزن /makhzan/ « entrepôt, magasin » trouve sa source dans la racine خزن /khazana/ qui signifie « stocker, entreposer ». Le mot magasin possède d’ailleurs toujours en français les deux sens d’ « entrepôt(de munition) » et de « boutique ». En arabe maghrébin on emploie plutôt le mot دكان /dukān/ que l’on a un temps utilisé en français colonial "doukane". On le retrouve dans des toponymes (Djébel Doukane en Algérie)
Par extension, le mot magazine en est venu à désigner un livret dans lequel étaient consignés des stocks militaires avant de renfermer d’autres informations. En ne gardant que la fin du mot magazine, l’industrie moderne a formé les mots fanzine et webzine.
C'est du même مخزن /makhzan/ « entrepôt » que vient le mot Makhzen qui en arabe désigne le pouvoir marocain et tout ce qui tourne autour. Ce terme a pris pendant les manifestations du printemps arabe une connotation conservatrice et passéiste.







22 oct. 2011

Le Maroc est au Maghreb ce que Erebus est à l'Europe


On ne connaît pas avec certitude la signification du mot Europe mais on en connaît l’origine rapportée par Hérodote qui nous apprend que Zeus avait enlevé Europe, la fille d’Agénor. Agénor était le roi de Phénicie dont Tyr sa capitale se trouve dans l’actuel Liban. Cadmos, le frère d’Europe parti à la recherche de sa sœur a introduit l’ancien alphabet phénicien (donc sémitique) en Grèce. Jupiter en l’honneur d’Europe donna son nom à cette partie du monde. 

Ce nom dériverait d’un mot sémitique /ereb/ ou /erebu/ signifiant “soir, descente” en référence au soleil se couchant sur l’Occident. Si l’on retient cette hypothèse, Europe proviendrait d’une racine afro-asiatique /*gharub/ “obscurité”  qui a donné le sémitique /*gharb/ “soir, soleil couchant”  d’où proviennent l’hébreu ערב /cerev/ “ouest, soir”  et le phénicien /cereb/ “ouest”. C’est de ce mot que provient le nom de l’Erebus, un volcan d’Antarctique. Si l’on se place du point de vue moyen-oriental, l’Europe se trouve à l’ouest comme c’est le cas du Maghreb pour les Arabes d’Arabie. C’est grâce à cette même racine qu’ils désignent le Maroc, le pays arabophone le plus occidental. En arabe le Maroc se dit المغرب /al-maghrib/, mot qu’on a étendu en français à toute la sous région nord-africaine. Ce mot vient de la racine arabe غرب /gharb/ « ouest » à laquelle est accolé le préfixe /–ma/

En provient aussi le nom du cap Trafalgar qui se situe au sud de l’Espagne. Ce nom arabe ترف الغرب /tarif al-gharb/ signifie « direction de l’Occident » ou selon A. Cherpillod طرف الغرب /ṭarif al-gharb/ « fin de l’Occident ». Toujours est il que c’est à cet endroit que les deux super puissance occidentales de l’époque se sont affrontées et que la coalition franco-espagnole de Napoléon s’est inclinée face à la flotte britannique de Nelson. C’est cette victoire qui lui doit une colonne sur la célèbre « Trafalgar square » de Londres. Pour la première partie du mot Trafalgar voir le mot tarif.

Ce mot /gharb/ a aussi servi à la construction du mot Algarve, nom de la province sud du Portugal. 


On a proposé deux autres étymologies pour le mot Europe :
- la première est aussi sémitique. Elle proviendrait du phénicien /hur appa/ « blanc de visage ».
- la deuxième hypothèse est grecque. Ce mot viendrait du mot ευρύς ώψ /eurus ôps/ « au large visage (œil) ».

18 oct. 2011

Gilad de Galaad et Shalit le sultan


Aujourd’hui Gilad Shalit, soldat franco-israélien de Tsahal a été libéré en échange de centaines de prisonniers palestiniens. Son prénom גלעד /gilacd/ provient d’un toponyme de la bible Galaad qui signifie « pierres (monticule) du témoin » (racine גּלל /gll/ « rouler » voir Galilée et galerie). Ce mot Galaad n’a rien à voir avec celui de la légende arthurienne dans laquelle le fils de Lancelot tient son nom du gaélique Gwalchaved « faucon de l’été ».
Son nom שליט /šalīt/ signifie « souverain, seigneur » dérivé de la racine sémitique /šlṭ/ « régner, gouverner ». Le /š/ hébreu devient souvent /s/ en arabe. Ainsi, c’est aussi de la racine sémitique que provient le radical arabe سلطة /sulṭat/ « pouvoir, puissance » qui a donné le mot سلطان /sulṭān/ « pouvoir, souveraineté » origine des mots sultan et sultanat

Signature du sultan ottoman Mahmud II

15 oct. 2011

Adonis d'Adonaï ou d'Akhenaton



   
La mythologie grecque nous conte l’histoire d’Adonis, une divinité du cycle des naissances dont la biographie est extrêmement changeante. Adonis (Αδωνης  adonis) était un symbole de beauté dans la culture gréco-latine de laquelle nous avons hérité le nom commun (un) adonis qui nous sert à désigner un homme jeune et beau. Sa fin est tragique, il meurt des blessures provoquées par l’attaque d’un sanglier et le nom de la fleur rouge qui porte son nom (Adonis sp) fait référence à son sang répandu. Cependant le nom d’Adonis, comme celui de sa mère Myrrha n’est pas grec mais d’origine sémitique, d’une racine /*’d/ signifiant « seigneur » de laquelle provient le nom d’une divinité phénicienne Adon /*’adōn/. C’est en référence à celle-ci que le poète syro-libanais Adonis a choisi son pseudonyme.

C’est aussi de cette racine sémitique qu’est issu le mot hébreu אדני /*’adonay/ Adonaï « mon seigneur » un terme par lequel les juifs vocalisent le tétragramme יהוה dont la prononciation est interdite. L’équivalent mésopotamien d’Adon était connu sous le nom Dumuzi en sumérien et Tammuz en babylonien et c’est encore sous cette forme qu’on le retrouve dans le nom d’un mois du calendrier juif et de celui des chrétiens du Proche-Orient.

Aton ou Aten était dans la mythologie égyptienne le nom du dieu soleil dont le culte fut imposé par le pharaon Akhenaton « l’horizon d’Aton ». On pourrait reconnaît dans le nom d’Aton un diminutif du mot hébreu Adonaï et selon certains, dans le culte d’Aton les bases du monothéisme abrahamique mais cette hypothèse reste largement controversée.


12 oct. 2011

Nirvana pour les aubergines







Le mot français vent comme son équivalent anglais wind provient de la racine indo-européenne /*wē/  qui signifie « souffler ». C’est aussi de ce radical que provient le mot sanskrit वात /vāta/  « vent », issu du verbe वा /vā/ « souffler » que l’on retrouve dans la deuxième syllabe du mot nirvana. Ce mot sanskrit निर्वाण /nirvāṇa/ relatif au lexique religieux du bouddhisme signifie littéralement « cessation d’aspiration, extinction ». 


Le mot aubergine tient initialement sa source du sanskrit वातिगगम /vātiga-gama/ dans lequel on retrouve ce verbe वा /vā/ « souffler ». Les deux mots /vātiga-gama/ signifient « (la) plante qui soigne le vent », un mot altéré par le persan بادنجان /bâdinjân/ ou بادنگان /bâdengân/ et repris par l’arabe الباذنجان /al-bāḏinjān/. C’est lui qui l’a ensuite transmis au vieil espagnol sous la forme alberengena (catalan alberginia) duquel le français a fait aubergine. On retrouve le mot sous la forme « bringelle » dans les îles de la Réunion et Madagascar. 


La Colère des aubergines - Bulbul SHARMA
Par un effet d’aller et retour, l’actuel mot hindi pour aubergine est rendu par le mot बैंगन /baingan/, arrivé en Inde par l’entremise des Anglais qui avaient emprunté l’ancien mot portugais bringella. 





8 oct. 2011

Destrier au Deccan


En Inde on a pris il y a longtemps l’habitude de nommer le Sud par rapport à la main droite quand on regarde l'Est. Ainsi le nom de la région du Deccan qui désigne toute la partie sud de l’Inde provient à travers l’hindi डेक्कन /dakkhin/ du sanskrit /dakia/ « droite » mais ne possède pas la connotation positive de l’arabe Yémen. Le Nord étant associé au monde des vivants, le Sud est donc par opposition celui des morts mais c’est aussi « le point cardinal vers lequel se tourne, pour enseigner la sagesse au pied du banian sacré, Shiva dakshina-mûrtî (au visage tourné vers le sud) » (Feuga 1994 : 52). Le mot sanskrit /dakia/ « droite » est à rapprocher du français (ambi)dextre, dextrose, destrier issus du latin dexter lui-même provenant de l’indoeuropéen /deks/ « droit ».


La représentation habituelle des cartes géographiques qui situent le nord vers le haut n’est qu’une convention et on voit à travers ces exemples qu’il aurait pu en être autrement et il existe des cartes imprimées dans l’hémisphère sud qui représentent le sud orienté vers le haut comme le faisaient les premiers géographes arabes.


Benjamin et Maimonide au Yémen


Il existe en proto afro-asiatique une racine /*yamin/ qui signifie « (côté) droit » ou « droite ». On en trouve la trace dans l’égyptien imn « droite » ainsi que dans le proto-sémitique /*yamīn/ de même sens. Cette racine est l’origine du nom biblique Benjamin plus tard utilisé comme nom commun en français pour désigner le dernier enfant d’une fratrie. Dans la Genèse on trouve l’histoire de Benjamin, fils du patriarche Jacob et de son épouse Rachel qui meurt en couche lors de la naissance de Benjamin. Avant sa mort Rachel lui donne le nom de בןאוני BenOni « fils de mon chagrin » que son père changera en בנימין /benyamyn/ Benjamin « fils de ma droite ». Dans la plupart des cultures le coté droit est survalorisé par rapport au gauche et il est souvent assimilé au « bon ». En sémitique il existe une proximité phonétique et étymologique permettant de rapprocher les mots « droite » et « bon ». Malgré tout l’étymologie de Benjamin « fils de ma droite, de mon bonheur » semble erronée et il faudrait plutôt chercher l’origine du mot Benjamin dans le nom d’une tribu du Sud.
Les Sémites pour se repérer dans l’espace avaient l’habitude de se placer face à l’Est ce qui place automatiquement le sud vers la main droite. Cette relation « droite – sud – (bon) » se retrouve dans la langue arabe et dans le nom du Yémen qui se situe au sud de la Mecque. Le Yémen, اليَمَن /al-yaman/ est donc le pays « à droite, au Sud » mais aussi le pays « du bonheur » que le monde latin nommait l’Arabie heureuse (Arabia Felix), plus pour ses conditions climatiques exceptionnelles (felix = fertile) que pour sa position géographique. Le participe passé arabe dérivé مَيْمون /maymūn/ « fortuné, heureux » est l’origine du nom du philosophe juif et arabophone du XIIe Moïse ben Maïmon connu en Occident sous les noms de Maimonide ou Ramban. Pour l'Inde voir Deccan
A contrario, un des noms arabes de la Syrie est le mot شماليّ /šamālyy/ qui signifie aussi bien « gauche » que « Nord ».




Al-Islah et Saleh, Saladin et masala dosa



Hier le prix Nobel de la Paix a été attribué à 3 femmes : deux Libériennes Ellen Johnson Sirleaf et Leymah Gbowee et une Yéménite Tawakkol Karman. Cette dernière est une opposante au régime du président Saleh à travers son parti politique proche des Frères Musulmans : al-Islah. Ici on voit une proximité phonétique entre le nom Saleh et celui du parti al-Islah qui nous fait remonter à la racine arabe صلح /ṣālaḥa/ « devenir bon, convenir ». Parmi ses dérivés on trouve le mot /ṣāliḥ/ « bon, bien » qui a donné le patronyme صالح /ṣāliḥ/ celui-là même du président yéménite علي عبدالله صالح /calī cabd-allah āliḥ/ Ali Abdallah Saleh.
Plus loin, à la quatrième forme grammaticale de la racine arabe, on trouve le mot إصلاح /īṣlāḥ/ « amélioration, rénovation, réforme » qui est à l’origine du nom du principal parti d’opposition yéménite al-Islah ( التجمع اليمني للإصلاح /at-tajammuc al-yamanī lāl-īṣlāḥ/‎ « congrégation yéménite pour la réforme
»). Les Arabes aiment beaucoup les jeux de mots et il ne serait pas surprenant d’apprendre que le nom de ce mouvement ait été choisi en fonction du nom du président.


C’est aussi un dérivé - صلاح /ṣālaḥ/ « bonté, valeur » - qui a permis la construction du nom de Saladin صلاح الدين /ṣālaḥ ad-dīn/ « bonté de la religion (الدين /ad-dīn/, voir Danone) ».
Pour finir avec un mot caché, une forme plus complexe de la racine, préfixée de la particule /ma/ a donné le mot مصالح /maṣāliḥ/, pluriel du mot مصلح /maṣlaḥa/ « bénéfice » et étymon du hindi मसाल /masāla/.
Le mot masala fait partie du registre de la cuisine indienne, il désigne tout mélange d’épice et on le retrouve associé à d’autres mots (garam masala, tchaï masala, masala dosa…). Sur l’Ile de la Réunion il est connu sous le nom de massalé.

6 oct. 2011

Danone et Zidane, Takieddine et médina

Izak Karasu était un juif de Grèce dont le nom turc kara su « eau noire » a été modifié en Isaac Carasso lors de son émigration vers l’Espagne. C’est plus tard dans la ville de Barcelone qu’il remarqua que le yaourt – alors peu connu en Europe – avait des effets bénéfiques sur les troubles intestinaux de ses jeunes patients. Il les vend d’abord dans sa pharmacie avant de monter une petite entreprise à laquelle il donne le nom de Danone.

Ce mot est issu de la forme catalane de Daniel, (Danon) le prénom de son fils. Daniel est un prénom utilisé aussi bien par les juifs que les musulmans (دانيال /dānyāl/) ou les chrétiens mais qui trouve son origine dans l’hébreu /dannyāl/ qui signifie « Dieu (El) est mon juge ». Des mots דין /dīn/ « jugement » ou דן /dan/ « juge » proviennent aussi les noms Dan, Dinah, Dayan ou Madian. Il semble que la racine arabe دان /dān/ « pratiquer une religion » ait été empruntée à ce mot hébreu ou à l’araméen voisin et il a permis la construction du mot دين /dīn/ « religion ».

De là proviennent des prénoms composés tels que Aladin علاء الدين /calā’ ad-dīn/ « grandeur de la religion », Zineddine زين الدين /zīn ed-dīn/ « beauté de la religion » ou Takieddine تقی الدين /taqī ad-dīn/ « piété de la religion ». A travers Zyad Takieddine, ce dernier nom résonne dans l’actualité sur fond de corruption à la tête de l’Etat. Pourtant ce patronyme a auparavant été porté par des célébrités telles que le philosophe turc Takiyettin Mengüşoğlu, l'ancien premier ministre libanais Takieddine Solh ou de l'homme d'affaire indien du Kérala Thakiyudeen Wahid.

Dans certaines langues sémitiques l’idée de jugement a été étendue à celle de gouvernance, d’administration. Ainsi l’araméen a fait dériver de son mot /dān/ le mot /mèdina/ « ville » que l’arabe a emprunté sous la forme مدينة /madīnat/ « ville ». C’est lui que l’on utilise pour désigner la ville ancienne des cités musulmanes, on parle ainsi de la médina de Marrakech, de Tanger ou de Tunis. Le mot, employé comme toponyme a servit à désigner Médine, la ville de Muhammad ou Mdina, l’ancienne capitale de l’île de Malte.

Tariq matraque Gibraltar



Le français matraque est un emprunt direct avec peu d’altération phonétique à l’arabe مطرقة /miṭraqat/ « marteau ». Ce mot provient de la racine طرق /ṭaraqa/ « marteler, frapper » qui a donné le mot /ṭarīq/ « chemin (voie tracée à force d’être battue par les pieds) ».
C’est sur cette racine et cette idée de voie tracée qu’est issu le prénom arabe (chrétien et musulman) طارق /ṭāriq/ Tariq. C’est ce nom que portait Tariq ibn Ziyad, le conquérant berbère de l’Espagne qui a laissé son nom au rocher de Gibraltar, جبل طارق /jabal ṭāriq/ « la montagne (djebel) de Tariq ».
Dans le vocabulaire musulman, la tariqa طَرِيقة /ṭarīqat/ désigne la « voie » qu’un adepte soufi peut suivre pour atteindre son but : le fana. Il existe de nombreuses tariqas (voir la liste ici).



5 oct. 2011

Macabre niqab et macchabées






Le mot hébreu מקבה /maqabeh/ « marteau » a servi de surnom aux chefs de la résistance juive face à l’hellénisation forcée de la Judée par Antiochus IV Epiphanes lors du 2ème siècle avant Jésus-Christ. Judas Macchabée qui fut le premier à porter ce surnom avait gravé sur son bouclier l’acronyme MaKaBi tiré du verset biblique מי־כמכה באלם יהוה /mi kamokah bacelim YHVH/ « qui comme toi parmi les dieux, mon Seigneur ? ». C’est ce jeu de mot qui est à l’origine de notre mot français macchabée en rapport avec un livre de la bible qui insiste sur le martyre et la résurrection. Le mot macabre, bien qu’il y ait polémique à son sujet en est certainement un dérivé.
מקבה /maqabeh/ est une altération de l’ancien hébreu /*manqabt/ qui provient de la racine sémitique /*nqb/ « perforer ».

De là est issu l’hébreu נקב /nawqab/ « trouer, perforer » mais aussi l’arabe نقب /naqaba/ « percer », la racine du mot نقاب /niqāb/ niqab, un voile islamique féminin percé de façon à ne laisser apparent que les yeux.
Ecoutez l'émission de Daniel Mermet
Une fatwa contre le niqab