12 déc. 2012

Tambour et tabouret



Tunbur ou tanbur
Le mot tambour provient, à travers l’ancien français tabour,  du persan طبير /abīr/ dans lequel il désigne un instrument de musique à percussion. Alors que l’étymon persan n’est pas nasalisé, toutes les langues proches du français  possèdent un mot qui l’est (italien tamburo, espagnol et portugais tambor). On suppose alors l’influence du mot arabe طنبور /unbūr/ même si celui-ci désigne un instrument à corde et non à percussion. 

Le mot tambour a eu beaucoup de succès en français et il a plus tard désigné – par analogie de forme – différents objets cylindriques : porte à tambour, tambour de machine à laver ou d’imprimante. C’est aussi à cause de sa forme et issu phonétiquement de l’ancien français tabour que le mot tabouret fini par désigner ce petit siège après avoir servi à nommer une petite pelote dans laquelle on plantait des épingles.

Tambour à épingles

10 déc. 2012

La nouba du nabab



De la racine arabe ناب /nāb/ « remplacer quelqu’un » est issu aussi bien le mot nouba que le mot nabab.


La nouba désignait à l’origine une musique jouée à tour de rôle sous les fenêtres de personnes importantes. Ceci explique que le mot نوبة /nawbat/ écouter « tour, période » désigne aussi par extension en arabe maghrébin un « orchestre, une fanfare ». L’expression « faire la nouba » a pris dans la bouche des militaires français d’Algérie le sens de « faire la fête ».


Le nawab Saif Ali Khan
         Le mot nabab provient du pluriel نوّاب /nawwāb/ de l’arabe نائب /nā’ib/ écouter qui signifie « député, délégué » mais aussi « remplaçant ». Dans l’Inde moghole il désignait un gouverneur provincial ou un chef d’armée avant de devenir un titre pour les souverains musulmans. L’acteur indien Saif Ali Khan est depuis 2011 proclamé nawab de Pataudi (hindi नवाब /nawāb/ ourdou نوّاب‎ /nawwāb/)

En français, le mot nabab désignait plutôt un Occidental qui s’était enrichi dans l’Empire britannique puis toute personne richissime.




         

8 déc. 2012

Mahaleb d'Alep



Le bois de sainte Lucie (Prunus mahaleb) est un cerisier qui porte de petits fruits noirs et acides. Son noyau est pulvérisé pour donner un épice connu dans les régions méditerranéennes et qui est utilisé notamment en pâtisserie. Son autre nom - mahaleb - provient du mot arabeمحلب  /maẖalab/ qui signifie « émulsion » en arabe dialectal (arabe moderne مستحلب /mustaẖalab/) tiré du radical sémitique /*ẖalab/ « lait » (arabe حليب /ẖalīb/ écouter). De cette racine proviennent plusieurs noms bibliques tels que חלב /ẖayleb/ écouter, חלבה /ẖelbah/ ou חלבון /elbone/ qui tous possèdent un sens qui tourne autour des notions « lait – blanc – fertile ». La même idée habite le nom de la ville syrienne d’Alep qui en arabe se nomme حلب /ẖalab/ écouter « traire » même si le nom d’origine est antérieur mais toujours issu du même radical sémitique. De cette racine provient par ailleurs le mot galbanum, une résine odorante tiré de la plante Ferula gummosa qui pousse en Iran. On ne connaît pas précisément la langue d’origine du mot mais on en a la trace dans des langues sémitiques telles que l’hébreu חלבנה /elbenah/ « galbanum ». 



Halibna "notre lait"

7 déc. 2012

Abricots et quetsches de Damas


Abricot de Damas
On entend souvent dire que le mot abricot est d’origine arabe et ceci n’est que partiellement vrai. Si abricot nous provient bien de l’arabe البرقوق /al-barqūq/ écouter, on sait que cet intermédiaire a précédemment été emprunté aulatin (malum) præcoquum qui signifie « (fruit) qui mûrit prématurément ». L’arabe moderne utilise le mot المشمش /al-mišmiš/ écouter pour désigner l’abricot alors que le mot البرقوقة /al-barqūqat/ désigne désormais la prune et plus spécifiquement la quetsche (برقوق أرجوانى /barqūq ārjwāny/ « prune pourpre »).

Le mot quetsche lui est un emprunt au moyen allemand querschke, une altération profonde du latin davascena, qui provient originellement de la prononciation latine de la ville de Damas (Damascēnum). L’anglais traduit d’ailleurs le mot quetsche par le mot damson alors qu’elle nomme la capitale syrienne Damascus, mot plus proche du nom arabe دمشق /dimašq/ écouter de la ville. Par ailleurs, les mots damassine (aussi appelée prune de Damas), damassé et damasquiner en découlent aussi.  

On ne connaît pas la signification du mot Damas même si l’on soupçonne une origine pré sémitique. En arabe, la ville se nomme دمشق الشام /dimašq aš-šām/ écouter souvent abrégé en الشام /aš-šām/ par les Damascènes et c’est de là que provient le nom de la chaîne hôtelière de luxe Cham.
Logo des hôtels Cham

On a reproché  aux croisés l'inutilité des croisades et on leur a reproché d'y être allé "pour des prunes".

24 nov. 2012

Achoura en Syrie, Asenappar à Assur

Imam Hussein
Aujourd'hui les musulmans célèbrent une fête appelée Achoura. Elle prend chez les sunnites la forme d'un jeûne ainsi que l'avait préconisé Mahommet et au Maroc elle est appelée "Fête des enfants". Les chiites  eux associent à l'Achoura la commémoration du martyre de l'imam Hussein et de sa famille pendant la bataille de Kerbala en Irak. Durant cette célébration, certains chiites participent à des flagellations rituelles afin de revivre la passion de Hussein. 
Achoura, comme toutes les fêtes musulmanes est basée sur le calendrier lunaire et se décale de 11 jours tous les ans par rapport à notre calendrier solaire. Cependant, comme l'indique son nom, cette fête tombe le "dixième" jour du mois de Mouharram. L'arabe عاشوراء‎ /ʿāshūrāʾ/ signifie "le dix, le dixième", un dérivé du mot عشرة /ʿāshrat/ "dix", cognat de l'hébreu עשר /ʿasher/ "dix". Le mois de Mouharram est aussi le premier mois du calendrier musulman, nous venons donc de passer dans l'année 1434 de l'hégire.

Assur
Le mot Achoura n'a rien à voir avec son presque homonyme Assur /aššur/ divinité éponyme de l'ancienne ville mésopotamienne d'Assur. On suppose que ce nom est à l'origine non seulement du nom des Assyriens mais aussi de celui de la Syrie. On le retrouve par ailleurs dans le nom d'Assurbanipal ou Ashshurbanipal, roi d'Assyrie du 7ème siècle avant Jésus-Christ que l'on rencontre dans la bible sous le nom d'Asenappar

25 oct. 2012

Kabîr el-kébir à Guadalquivir



Demain, les musulmans du monde entier célèbreront une des fêtes les plus importantes du calendrier islamique : عيد الأضحى l'Aïd-el Adha “fête du sacrifice” aussi appelée عيد الكبير Aïd-el-Kébir “la grande fête” en mémoire du sacrifice d'Abraham sur son fils Ismaël.

L'arabe عيد/'aid/ signifie donc "fête" et كبير /kabīr/ "grand" et c'est celui-ci qui est à l'origine du prénom Kabir et de son féminin Kabira. On le retrouve dans de nombreux toponymes tels que Al Souk Al Kabir "le grand souk à Dubaï", Ksar el-Kébir "le grand palais" au Maroc ou incognito dans le nom de la rivière espagnole Guadalquivir. Ce nom est en fait une altération de l'arabe واد الكبير /wad el-kābīr/ "grande oued (rivière)". On retrouve cette déformation du mot oued dans d'autres noms de lieux : Guadalajara "oued des pierres", Guadeloupe "oued du père (?)" ou Guadamur "oued des vagues (?)".

Kabîr était par ailleurs le nom d'un célèbre poète mystique indien revendiqué aussi bien par les musulmans que les hindous (कबीर).


Où me cherches tu ?
Je suis avec toi
Je ne suis pas dans les pèlerinages,
ni dans les icônes,
Ni dans l’isolement,
Ni dans les temples, ni dans les mosquées,
Ni a la Kaaba, ni au mont Kailash,
Je suis avec toi, ô mon serviteur
Je suis avec toi
 
C'est aussi un dérivé de ce mot que l'on retrouve comme superlatif dans le takbir musulman الله أكبر Allah(u) akbar "Dieu est le plus grand" que l'on retrouve inscrit aussi bien sur le drapeau irakien qu'iranien.

12 oct. 2012

Tel-Aviv et le Tell algérien


On trouve dans la première partie du nom de Tel-Aviv, un mot hébreu תֵּל /tel/ qui signifie « colline ». Il provient de la racine sémitique /tül-/ ou /tall/ « colline » duquel provient aussi l’arabe تلّ  /tall/ « colline, monticule ».




Ce dernier a été emprunté par le vocabulaire archéologie sous la forme tel ou tell pour désigner une « colline artificielle, tertre ou tumulus formé par des ruines » (Le Robert).

On retrouve ce terme dans la toponymie du monde arabe comme c’est le cas dans le nom du site archéologique égyptien de Tel el-Armana, du village Tell en Palestine ou de la région du Tell en Algérie qui désigne l’ensemble des plateaux du nord ce pays.

11 oct. 2012

Abeba et les fleurs de Tel-Aviv




La deuxième partie du nom d’Addis-Abeba « nouvelle fleur » ou « de nouveau fleurie » est issue de l’amharique አበባ /abäbaa/ « fleur » qui provient d’une racine sémitique /canbūb/ « roseau, orge ».

C’est aussi de celle-ci que vient l’hébreu אביב /aviv/ « épi, printemps » que l’on retrouve dans le nom de la capitale d’Israël Tel Aviv « la colline du printemps ».

Francesco Hayez - La Destruction du temple de Jérusalem (1867)
Le radical sémitique avait précédemment donné l’akkadien /abu/ qui qui est l’origine du mot אב /av/, mois du calendrier luno-solaire hébraïque qui tombe en été. Le 9 de ce mois (תשעה באב /tišah be av/ « 9 de Av »), les juifs commémorent la destruction des deux temples de Jérusalem et pleurent les victimes de la Shoah. 


Le calendrier musulman possède un calendrier lunaire dont les noms des mois sont arabes mais celui utilisé au Moyen-Orient (Liban, Syrie, Iraq…) emploie lui-aussi ce nom آب /āb/ d’origine akkadienne.