Emmanuel Poiré était un caricaturiste français de la fin du 19ème siècle, très connu en son temps sous son nom d’artiste Caran d’Ache. Né à Moscou de père français il avait emprunté ce pseudonyme au russe карандаш /karandaš/ qui signifie « crayon », lui-même issu du turc kara taş /karataš/ « pierre (/taš/) noire (/kara/)». Au 20ème siècle, une société suisse fabriquant des produits de papeterie c’est servi de ce nom pour baptiser l’entreprise Caran d’Ache devenue célèbre chez les écoliers des années 30 pour avoir mis sur le marché le premier porte-mine à pince (Fixpencil)
Le turc kara « noir » est aussi à l’origine de
différents autres patronymes tels que Kara « noir », Karakachian
« aux sourcils (kaş /kaš/) noirs »
ou Karajan « Jean noir »,
nom d’un célèbre chef d’orchestre autrichien.
Dans la toponymie de l’Asie centrale, le mot kara est
récurent :
Karaboroun « nez noir ». Le mot turc burun signifie nez mais aussi en géographie « cap ». (бурун /burun/ en azéri et en turkmène),
le Karakoum « sable noir » est un désert du Turkménistan alors que le Karakoram de même sens est une région de l’Himalaya indo-pakistanais (гум /gum/ « sable » en azéri, en kazakh et en turkmène),
le Karabagh se trouve enclavé en Azerbaïdjan mais, peuplé majoritairement d’Arméniens il a pris son indépendance. Son nom reflète cette complexité. Si on retrouve ici le turc kara « noir », la deuxième partie du mot est d’origine persane باغ /baġ/ « jardin ».
le
caracul est un nom commun, celui du
mouton qui produit l’astrakan mais il trouve son origine dans le nom d’une ville d’Ouzbékistan nommée Karakul « lac (kül) noir ».
Karagöz et Hacivad |
Certains
linguistes font remonter le proto-altaïque /*kàru/ à l’eurasiatique /*kar-/ duquel provient aussi le proto-dravidien /*kar/. On suppose que le sanskrit (voir Krishna) काल /kāla/ a été emprunté aux langues dravidiennes [i] et c’est ce mot emprunté que
l’on retrouve dans le mot kala-azar « maladie noire » dans
lequel le mot azar provient du persan ازار /azār/ « blessure, attaque ». En sanskrit, le féminin
du mot काल /kāla/ est le mot काली /kāli/ et il désigne la déesse Kali, personnification terrifiante de
la déesse Durga. Son nom apparait dans plusieurs toponymes indiens parmi
lesquels la ville de Calcutta dont le nom sanskrit /kālīghaṭṭa/ pourrait signifier les « ghats de
Kali ». Calcutta a repris récemment son nom bengali d’origine Kolkata কলকাতা comme
la ville Calicut a repris son nom malayalam Kozhikode കോഴിക്കോട് qui pourrait signifier
« ville de Kali ». C’est du nom de cette ville du Kérala que le
français a tiré le mot calicot. Le Kalimantan est le nom de la partie indonésienne
de l’île de Bornéo et elle tient son nom du sanskrit कालीमन /kāliman/ « noirceur » suivit du
malais tanah « terre ».
On peut également trouver une origine commune avec le japonais 黒 - くろ /kuro/
que l'on retrouve /kuro/ dans le nom Kuroshio ou Kuroshivo (黒潮 - くろ しお) « marée noire » qui est le deuxième plus grand courant marin après le Gulf Stream. /kuro/ est encore présent dans de nombreux patronymes japonais tels que 黒澤 Kurosawa (marais noir) dont l’un de ses représentant est le réalisateur des « sept samouraïs » Akira Kurosawa.
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