10 nov. 2011

Le cauchemar des Peshmergas : l'ambroisie d'Amritsar





Les linguistes ont reconstruit l’hypothétique racine indo-européenne /*mer-/ ou /*mor-/ qui signifie « blesser, mourir ». De là provient le latin mortus mais aussi le radical sanskrit मर /mr/ « mourir ». Ainsi dans la mythologie védique, le monde des mortels se nomme मर /mara/ et le mot मरन /marana/ signifie « mort ». Māra est dans le bouddhisme le démon qui essaya en vain de tenter le Bouddha et qui symbolise aussi la lutte contre ses pulsions intérieures. En Scandinavie, la mare ou mara est un spectre qui hante les nuits et les rêves, et ce sont peut-être les Normands qui en ont importé l’idée en France. On trouve encore la trace de ce démon dans l’anglais nightmare « mare de nuit, cauchemar » ou dans notre mot cauchemar, directement issu du cauquemare, la version française de la mara. Il existait aussi en Lituanie une déesse du même nom dont la fête tombait le 15 août, une date sur laquelle l’Église a plaqué la fête de la Vierge Marie. La similitude phonétique entre Mara et Marie est le produit du hasard.


De cette même origine indo-européenne provient le persan مرگ /marg/ « mort » duquel est issu le nom des Peshmergas, les combattants kurdes. Leur nom signifie littéralement « (ceux qui sont) devant la mort », le préfixe persan (et kurde) پيش /pêsh/ signifiant « avant, devant » (Peshawar « la ville de devant (la frontière) »). L’ancien persan utilisait le terme martiya « être mortel » (moderne مرد /mard/) pour nommer l’homme et c’est ce mot accolé au verbe خور /khvar/ « manger » qui a donné son nom au manticore « le mangeur d’homme » encore connu en persan sous le nom مردخوار /mardkhavâr/. Le (ou la) manticore est un être fantastique de la mythologie persane introduit dans le bestiaire européen par l’intermédiaire des Grecs. Ce mot a aussi servi à nommer un genre d’insecte (Manticora) que l’on trouve notamment en Afrique Australe. La racine /*mer-/ a aussi permis la construction du mot sanskrit अमरत /amrta/ « immortel » dans lequel un a- privatif précède le mot मरता /mrta/ « mortel ». L’amrita est dans l’hindouisme la source d’immortalité des Dieux, breuvage obtenu après le barattage de la mer de lait dont quelques goûtes sont tombées sur terre. On en a la trace dans le nom de la ville sacrée des Sikhs, अमृतसर Amritsar dont le nom sanskrit signifie « lac du nectar d’immortalité ».

En parallèle et du coté occidental de la civilisation indo-européenne, la nourriture des Dieux grecs était l’ambroisie. On fait d’ordinaire descendre ce mot du grec ancien αμβροσία /ambrosia/ qui est composé, comme dans le sanskrit amrita, d’un a- privatif et du nom βροτος /(m)brotos/ « mortel ». De la même façon, la plante nommée amarante tient son nom du mot /amarainein/ « immortel ».

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