26 mai 2012

Un chouia de X pour macache


Les civilisations anciennes utilisaient déjà des signes mathématiques pour noter l’algèbre. Ainsi les Chinois pour représenter l’inconnue d’une équation utilisaient et utilisent toujours le signe  qui est aussi le symbole monétaire du Yuan. Dans le monde arabo-musulman, c’est le mathématicien persan Al-Khawarizmi qui va populariser la lettre ش  /š/, initiale de l’arabe شيء écouter /šayc/ « chose (à trouver, à déterminer) » pour signifier l’inconnue. Cette idée va être reprise par le savant berbère Al-Qalasadi et les Espagnols reprendront la notion par la transcription x qui est la notation espagnole médiévale du son  /š/.  En gros, x est l’abréviation espagnole de l’arabe شيء /šayc/ « chose ».

LatinArabe
z = x + iy = r(\cos{\varphi}+i \sin{\varphi})= r e^{i\varphi} = r\angle{\varphi}Arabic mathematical complex analysis.PNG
Voir ce lien pour plus de précision

Le mot arabe شيء   /šayc/  « chose » a été emprunté par plusieurs langues. C’est par exemple le cas du turc şey écouter  /šey/ ou du persan شى  /šy/  « chose » mais aussi du français chouïa. En effet, le mot arabe شوية /šūyat/ « un peu », diminutif du mot شيء   /šayc/  est entré dans la langue parlée par l’intermédiaire des militaires postés dans le Maghreb.

En arabe maghrébin, le mot شيء   /šayc/  joue aussi un rôle grammatical exprimant la négation. Il est par exemple présent dans la dernière syllabe de l’expression /mā kānš/ « il n’a pas, rien » altéré par le français lors de son emprunt en macache.




21 mai 2012

Ambre jaune et ambre gris


Le mot ambre a une histoire un peu complexe parce qu’il désigne deux choses complètement différentes :

Le parfum Voile d'ambre
joue sur les deux registres
de l'odeur et de la couleur
- dans son acception la plus courante, l’ambre désigne une pierre qui n’est pas minérale puisqu’elle est une résine fossile à laquelle on a toujours prêté des pouvoirs magiques et son nom est lié à l’immortalité voir ambroisie. Elle contient parfois des insectes ou des débris de végétaux, et comme l’a décrit Thalès elle s’électrise très facilement, au point que son nom grec ήλεκτρο /électro/ « ambre jaune » nous a donné le mot électricité. Parce qu’on la trouvait sur les plages, on a longtemps cru que l’ambre était née de l’eau et ceci a du contribuer à la confusion avec son homonyme, l’autre ambre que l’on appelle alors l’ambre gris.

- l’ambre gris dérive à la surface des océans, il est une concrétion intestinale de certains cétacés et notamment des cachalots qui ne peuvent digérer les becs de calmars. Son nom provient d’ailleurs de l’arabeعنبر  /canbar/ « cachalot, ambre ». Cette substance recherchée possède une odeur très forte qui entre dans la composition de nombreux parfums.

L’adjectif « ambré » peut lui donc qualifier, soit l’odeur, soit la couleur d’une chose. On parle ainsi de la couleur ambrée d’une bière en référence à l’ambre (jaune), et de l’odeur ambrée d’un parfum en référence à l’ambre gris. A vous de choisir l'étymologie du prénom Ambre...

16 mai 2012

Atoll, récif et corail

Formation d'un atoll
Avec les navigateurs orientaux nous est venu le vocabulaire relatif aux îles tropicales comme c’est par exemple le cas du mot atoll. Il nous provient des lointaines Maldives, îles dans lesquelles est parlée la langue divéhi (ou dhivehi) qui se note avec un système consonantique dérivé de l’alphabet arabe. En divéhi, le mot އަތޮޅު /ātholh/ « atoll » désigne ces petits îlots coralliens qui composent les îles Maldives ou Lakshadweep.  Le mot divéhi a peut-être comme origine le malayâlam അടോലു /atolu/ « récif » qui pourrait être dérivé du mot അതല /atal/ « profond ». Une autre piste propose comme origine au mot divéhi le persan /ab-tal/ qui signifie littéralement « monticule d’eau ».

          Le mot récif, étroitement lié à ce milieu, a lui été emprunté en premier lieu à l’espagnol arracife qui désignait une « chaussée ». Celui-ci provient en fait du mot arabe الرصيف /ar-raṣīf/ qui désigne une « jetée » ou une « plate-forme » signifie aussi par le binôme الرصيف صخريّ  /ar-raṣīf ṣaẖryy/ « plate-forme rocheuse », « récif, écueil ». En arabe moderne, le mot الرصيف /ar-raṣīf/ désigne plutôt un « trottoir » alors que l’espagnol contemporain utilise le mot arrecife dans le sens de « récif » ; c’est parce qu’elle est située près d’un récif que la ville brésilienne de Recife porte ce nom.

Les récifs sont composés d’algues calcaires et de corail. On ne connaît pas précisément l’origine du mot corail mais on suppose une origine sémitique au grec κοράλλιον /korallion/. Son étymon pourrait bien être l’hébreu גורל /goral/ qui signifie « petite pierre » et que l’on trouve plusieurs fois dans la bible (Lévitique 16.8 ou Psaumes 125.3). 

3 mai 2012

Mani le manichéen à Manipur


Roman sur
l'histoire de Mani
         A travers l’adjectif manichéen, le nom de Mani résonne toujours en français. Bien que la doctrine du fondateur du manichéisme fut profondément simplifiée par ses détracteurs, une des bases de cette religion était fondée sur la dualité, sur l’opposition entre le jour et la nuit, entre le bien et le mal voir Bogomile. Saint Augustin fut un manichéen avant de se convertir au christianisme et de s’attaquer à son ancienne foi.

Om mani padme hum en tibétain
Né à Babylone de parents qui parlaient une langue sémitique (syriaque ou araméen), Mani porte pourtant un nom indo-persan. La Mésopotamie du 3ème siècle après Jésus-Christ était alors sous domination perse et ce patronyme est largement utilisé dans toute la région allant de l’Iran à l’Inde. Le persan مانی /mānī/ est un cognat du sanskrit मणि /mani/ « bijou, joyau » qui est aussi utilisé dans le mot मणि पद्मे /manipadmā/, le nom de la forme féminine du bodhisattva Avalokitésvara. C’est en son  honneur que les bouddhistes récitent le mantra suivant : मणि पद्मे हूँ /au  mai padme hūm/ « ô joyau du lotus, ôm mani padme hum ». Le Dalaï-Lama étant considéré comme sa réincarnation, ce mantra lui est aussi destiné.

         Le 3ème chakra du yoga tantrique situé au niveau du plexus solaire porte le nom sanskrit de मणिपुर /manipūra/ « abondance de joyaux » et ce mot a aussi servi à nommer l’Etat indien de Manipur, un des états les plus à l’est du pays, coincé entre le Bangladesh et la Birmanie.



Oṃ maṇi