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10 juin 2013

Yaourt et tzatziki d'Erdoğan


Le mot yaourt a été emprunté il y quelques siècle au bulgare yugúrt qui l’avait lui-même emprunté au turc yoğurt écouter. Le français yogourt attesté sous cette forme en 1432 deviendra yaourth en 1853 suivant en cela la prononciation du turc moderne dans lequel la lettre ğ /g/ ne se prononce quasiment plus entre deux voyelles. C’est pour la même raison phonétique que le nom du premier ministre turc Erdoğan se prononce /ardoan/ écouter, du turc doğan /doan/ « faucon ». Le turc yoğurt /yo-urt/ « yaourt » dérive de l’adjectif yoğun « dense, compact » voisin du mot yoğurmak /yo-urmak/ « pétrir, malaxer » que l’on retrouve aussi dans le turkmène ÿuwgurmak « pétrir ».

Même si chez nous le yaourt est la forme la plus consommée de lait fermenté, d’autres pays en produisent des variétés plus ou moins différentes. C’est par exemple le cas du leben arabe, de l’aïrag mongol, du kefir caucasien ou du lassi indo-pakistanais. C’est aussi dans cette dernière région qu’est produite la raita, un plat froid à base de yaourt salé et épicé dont l’un des principaux ingrédients est la moutarde. Son nom provient d’ailleurs du hindi राई /raï/ « moutarde ».

La raita possède un équivalent grec connu sous le nom de tzatziki, un mot grec τζατζίκι /tzatzíki/ emprunté au turc cacık /čačik/  écouter qui désigne un plat similaire mais plus liquide.



6 juin 2013

Kismat de la place Taksim


         Istanbul voit ces jours-ci sa population marquer son mécontentement lors de manifestations sur une des places principales de la ville, la place Taksim. Le turc taksim signifie « division », emprunté à l’arabe تقسيم‎ /taqsīm/, qui a aussi fait souche dans l’ourdou تقسيم‎ /taqsīm/ et le persan تقسیم کردن /taqsīm kardan/ « diviser ». La place stambouliote tient son nom du fait qu’elle était le lieu de la division en plusieurs canaux du captage d’une source en amont, elle devint la place de la division des eaux sous le sultan Mahmoud 1er. 

        
Le mot arabe تقسيم‎ /taqsīm/ provient de la racine قسم /qasama/ qui signifie « diviser, répartir » à l’origine du mot قسمة /qismat/ « destin ». Lui aussi été emprunté par de nombreuses langues telles que le turc kısmet « destin, fatalité », l’albanais kësmet, ou l’ourdou/hindi  قسمت / िस्मत् /qismat/ « destin ». Il entre dans la langue anglaise sous la forme kismet ou kismat pour faire référence au destin à l'orientale. C’est ce nom Kismet qui sera donné à un robot du MIT capable de communiquer avec les humains.

         La racine arabe est issue du radical proto-sémitique *qsm « diviser » mais aussi « pratiquer la divination » à l’origine de l’hébreu קסם /qasam/ « distribuer (par lot), divination ».





31 mai 2013

La taqiya de Ziad Takieddine


Avant d’être un intermédiaire louche mouillé dans des affaires politiques et financières du précédent gouvernement, Ziad Takieddine est un Libanais de la communauté ismaélienne druze. Son patronyme provient de deux mots arabes qui signifient « vertu de la religion ». Le mot « religion » a déjà été traité ici et le mot تقي /taqī/ écouter « crainte (de Dieu), dévot, pieux ». Ce nom تقی الدين /taqī ad-dīn/ est présent sous forme de prénom ou de nom de famille en Syrie et au Liban, pays duquel Takieddine Solh fut d’ailleurs premier ministre. On trouve aussi, né entre l’Egypte et la Syrie un astronome du 16ème siècle du nom de Taqi al-Din Mohammed ibn Ma'ruf al-Shami al-Asadi. Très réputé, il devint l’astronome attaché d’un sultan ottoman et il est à l’origine d’un des plus grands observatoires de l’époque.

On trouve par ailleurs un dérivé du mot تقي /taqī/ écouter dans l’arabe تقیة /taqīah/ qui signifie « crainte (de Dieu), piété, vertu » mais surtout par analogie « dissimulation ». La taqiya est dans l’islam une mesure qui permet aux musulmans de dissimuler leur pratique ou leur foi pour des raisons de sécurité. La taqiya a été utilisée par les marranes d’Espagne ou les chiites du Moyen-Orient, notamment les Druzes.

On retrouve encore le mot تقي /taqī/ dans plusieurs toponymes iraniens tels que Taqiabad, Taqi Dizaj ou Emam Taqi.

Pour une lecture moderne et politique de la taqiya, voir Alain Gresh ici. 

27 mai 2013

Bougre de gouine bulgare de Ghadames


L’effervescence française lors des débats concernant le mariage pour (presque) tous nous permet de rebondir sur quelques mots d’origine orientale. Parmi eux on trouve le mot gouine

Il y a quelques siècles, la gouine était une femme de mauvaise vie, une prostituée dont le nom trouve son origine dans le féminin du normand gouain « salaud » qui lui serait plutôt l’habitué du bordel. Même si on trouve plusieurs hypothèses (l’anglais queen ou l’arabe goule) quand à l’origine de ces deux mots, le dictionnaire de l’académie a retenu l’étymon goyim, pluriel  de l’hébreu goy. Le mot גוי/goy/ qui signifie « nation » dans le sens de « pays, Etat » est utilisé non seulement en référence au peuple juif (גוי גדול /goy gadol/ « le grand peuple »,גוי קדוש /goy qadoš/ « le peuple sacré ») mais surtout pour désigner le non-juif, le goy. Ce n’est que lors des deux derniers siècles que le mot gouine en est venu à qualifier l’homosexuelle femme. Certains voient aussi dans le mot goy l’étymon du français goujat



On a aussi longtemps utilisé le mot bougresse pour désigner de façon péjorative les lesbiennes. Comme son masculin bougre et ses dérivés bigre, bigrement, bougrement, rabougri il tient son origine de l’ethnonyme « Bulgare ». Depuis 1172 au moins les Bulgares sont associés aux hérétiques, aux personnes aux mœurs mauvaises, sodomites et homosexuels notamment parce qu’adeptes d’une communauté chrétienne hétérodoxe : les Bogomiles.

Au monde homosexuel le français a longtemps associé l’utilisation du godemichet. Ce mot provient lui du nom du cuir qui entre dans sa fabrication, le cuir de Gadames ou Ghadames qui est une ville de Libye. On trouve souvent l’hypothèse latine gaude mihi « réjouis-moi » qui s’avère être une étymologie populaire… C’est aussi de Ghadames que provenait le cuir des guêtres appelées gamache. Le nom de la Ghadames libyenne semble provenir du nom de la tribu berbère Tidamensi.

29 avr. 2013

Fellag le fellaga et Bouteflika le fellah


On  trouve en arabe deux racines pour traduire le verbe « fendre ».

La première فلح /falaḥa/ se rapporte plus spécifiquement à l’agriculture, à l’action de fendre la terre. C’est de là que provient l’arabe فلّاح /fallāḥ/ emprunté par le français fellah pour désigner un paysan d’Égypte ou d’Afrique du Nord. On en retrouve la trace dans la topomynmie (Fallahabad en Iran, Khirbet Abu Fallah en Palestine) ou dans l'onomastique (l'activiste social iranien Hossein Falah Noshirvani). Dans un sens second, ce même mot mais sans le redoublement du /l/ فلاح /falāḥ/ écouter signifie « bonheur, salut, succès » sans qu’on sache si cette félicité est liée à l’état de paysan ou une image de la bouche qui sourit (qui est fendue, comme en français "on se fend la poire")… Toujours est-il que c’est ce mot que l’on retrouve dans l’appel à la prière du muezzin :


   حي على الفلاح/ḥayyā ‘alā-l-falāḥ/ « venez au salut (félicité) »

        La racine arabe فلح /falaḥa/ provient elle-même du radical proto-sémitique  /*plaḥ/  « cultiver  » qui a aussi donné l'hébreu פּלח /falaḥa/ « couper (en tranches)  » origine du nom biblique Pilcha.

     
Lazhar Chraïti
    La deuxième فلق /falaqa/ « fendre en deux »  peut elle aussi se rapporter à la lèvre (فلّق /fallaqa/ « gercer ») et dans un sens imagé au bandit, au coupeur de route, le فلّاق /fallaq/ فلّاقة /fallaqat/, le fellaga ou fellagha. C’est ce terme qui sera employé par l’armée coloniale pour désigner les combattants indépendantistes du Maghreb. C’est aussi à cette racine que se rattache le nom de l’humoriste algérien فلاڤ Mohammed Fellag ou du président algérien بوتفليقة Abdelaziz Bouteflika mais le sens de leur nom n'est pas clair.



12 oct. 2012

Tel-Aviv et le Tell algérien


On trouve dans la première partie du nom de Tel-Aviv, un mot hébreu תֵּל /tel/ qui signifie « colline ». Il provient de la racine sémitique /tül-/ ou /tall/ « colline » duquel provient aussi l’arabe تلّ  /tall/ « colline, monticule ».




Ce dernier a été emprunté par le vocabulaire archéologie sous la forme tel ou tell pour désigner une « colline artificielle, tertre ou tumulus formé par des ruines » (Le Robert).

On retrouve ce terme dans la toponymie du monde arabe comme c’est le cas dans le nom du site archéologique égyptien de Tel el-Armana, du village Tell en Palestine ou de la région du Tell en Algérie qui désigne l’ensemble des plateaux du nord ce pays.

11 oct. 2012

Abeba et les fleurs de Tel-Aviv




La deuxième partie du nom d’Addis-Abeba « nouvelle fleur » ou « de nouveau fleurie » est issue de l’amharique አበባ /abäbaa/ « fleur » qui provient d’une racine sémitique /canbūb/ « roseau, orge ».

C’est aussi de celle-ci que vient l’hébreu אביב /aviv/ « épi, printemps » que l’on retrouve dans le nom de la capitale d’Israël Tel Aviv « la colline du printemps ».

Francesco Hayez - La Destruction du temple de Jérusalem (1867)
Le radical sémitique avait précédemment donné l’akkadien /abu/ qui qui est l’origine du mot אב /av/, mois du calendrier luno-solaire hébraïque qui tombe en été. Le 9 de ce mois (תשעה באב /tišah be av/ « 9 de Av »), les juifs commémorent la destruction des deux temples de Jérusalem et pleurent les victimes de la Shoah. 


Le calendrier musulman possède un calendrier lunaire dont les noms des mois sont arabes mais celui utilisé au Moyen-Orient (Liban, Syrie, Iraq…) emploie lui-aussi ce nom آب /āb/ d’origine akkadienne. 





7 oct. 2012

Addis-Abeba et les hadiths de Carthage



La capitale de l’Éthiopie Addis-Abeba porte un nom amharique አዲስ አበባ /’adis abäba/ écouter qui signifie « nouvelle fleur » mais qu’il faut plutôt comprendre comme « de nouveau fleurie ». L'amharique አዲስ /adisi/  « nouveau » provient de la racine sémitique /*ḥdθ/ qui a donné plusieurs mots parmi lesquels on peut relever :
  • l’arabe حديث /ḥadīθ/ écouter qui signifie « nouveau » a aussi le sens de  « rapport, tradition ». Les hadith sont en islam, le recueil des paroles du prophète Muhammad,
  • le phénicien 𐤔𐤃𐤇 /hadaš/ « nouveau » dans le nom de la ville nord-africaine Carthage 𐤔𐤃𐤇 𐤕𐤓𐤒 /qart hadaš/ « ville neuve ». La ville espagnole de Carthagène est une redite du mot nouveau par l’espagnol Carthago Nova « nouvelle Carthage », ville fondée par Asdrubal.
  • l’hébreu חדשׁ /ẖadaš/ signifie « nouveau » et c’est de ce mot que provient le prénom Hadosh.



1 oct. 2012

Riad de Riyad


La capitale de l'Arabie Saoudite, Riyad tient son nom de l'arabe رياض écouter /riyā/, pluriel du mot روضة /rawah/ qui signifie "jardin, parc, verger", rappelant l'importance de ce genre de lieu dans le désert. 

C'est le même mot que l'on retrouve dans le nom des riads marocains même si la graphie française le modifie un peu. Le riad qui pour les Français désigne plutôt la grosse maison bourgeoise fait référence au jardin intérieur qu'ils sont sensés posséder. Cependant en arabe marocain ce mot porte aussi la notion de cimetière comme on en trouve la trace dans le nom des ruelles de Marrakech, Riad Zitoun "le cimetière de l'oliveraie" al jadid (la nouvelle) et al-qadim (l'ancienne).

Très proche phonétiquement, le mot arabe رياضي écouter /riyāy/ provient d'une autre racine et porte deux sens différents (qui ne le sont peut-être pas tant que ça) : sportif et mathématique.