31 mai 2013

La taqiya de Ziad Takieddine


Avant d’être un intermédiaire louche mouillé dans des affaires politiques et financières du précédent gouvernement, Ziad Takieddine est un Libanais de la communauté ismaélienne druze. Son patronyme provient de deux mots arabes qui signifient « vertu de la religion ». Le mot « religion » a déjà été traité ici et le mot تقي /taqī/ écouter « crainte (de Dieu), dévot, pieux ». Ce nom تقی الدين /taqī ad-dīn/ est présent sous forme de prénom ou de nom de famille en Syrie et au Liban, pays duquel Takieddine Solh fut d’ailleurs premier ministre. On trouve aussi, né entre l’Egypte et la Syrie un astronome du 16ème siècle du nom de Taqi al-Din Mohammed ibn Ma'ruf al-Shami al-Asadi. Très réputé, il devint l’astronome attaché d’un sultan ottoman et il est à l’origine d’un des plus grands observatoires de l’époque.

On trouve par ailleurs un dérivé du mot تقي /taqī/ écouter dans l’arabe تقیة /taqīah/ qui signifie « crainte (de Dieu), piété, vertu » mais surtout par analogie « dissimulation ». La taqiya est dans l’islam une mesure qui permet aux musulmans de dissimuler leur pratique ou leur foi pour des raisons de sécurité. La taqiya a été utilisée par les marranes d’Espagne ou les chiites du Moyen-Orient, notamment les Druzes.

On retrouve encore le mot تقي /taqī/ dans plusieurs toponymes iraniens tels que Taqiabad, Taqi Dizaj ou Emam Taqi.

Pour une lecture moderne et politique de la taqiya, voir Alain Gresh ici. 

27 mai 2013

Bougre de gouine bulgare de Ghadames


L’effervescence française lors des débats concernant le mariage pour (presque) tous nous permet de rebondir sur quelques mots d’origine orientale. Parmi eux on trouve le mot gouine

Il y a quelques siècles, la gouine était une femme de mauvaise vie, une prostituée dont le nom trouve son origine dans le féminin du normand gouain « salaud » qui lui serait plutôt l’habitué du bordel. Même si on trouve plusieurs hypothèses (l’anglais queen ou l’arabe goule) quand à l’origine de ces deux mots, le dictionnaire de l’académie a retenu l’étymon goyim, pluriel  de l’hébreu goy. Le mot גוי/goy/ qui signifie « nation » dans le sens de « pays, Etat » est utilisé non seulement en référence au peuple juif (גוי גדול /goy gadol/ « le grand peuple »,גוי קדוש /goy qadoš/ « le peuple sacré ») mais surtout pour désigner le non-juif, le goy. Ce n’est que lors des deux derniers siècles que le mot gouine en est venu à qualifier l’homosexuelle femme. Certains voient aussi dans le mot goy l’étymon du français goujat



On a aussi longtemps utilisé le mot bougresse pour désigner de façon péjorative les lesbiennes. Comme son masculin bougre et ses dérivés bigre, bigrement, bougrement, rabougri il tient son origine de l’ethnonyme « Bulgare ». Depuis 1172 au moins les Bulgares sont associés aux hérétiques, aux personnes aux mœurs mauvaises, sodomites et homosexuels notamment parce qu’adeptes d’une communauté chrétienne hétérodoxe : les Bogomiles.

Au monde homosexuel le français a longtemps associé l’utilisation du godemichet. Ce mot provient lui du nom du cuir qui entre dans sa fabrication, le cuir de Gadames ou Ghadames qui est une ville de Libye. On trouve souvent l’hypothèse latine gaude mihi « réjouis-moi » qui s’avère être une étymologie populaire… C’est aussi de Ghadames que provenait le cuir des guêtres appelées gamache. Le nom de la Ghadames libyenne semble provenir du nom de la tribu berbère Tidamensi.

15 mai 2013

Ayurveda et vidéo, Vidya Balan et le Védanta


Le terme ayurveda provient des deux mots sanskrits आयुस /āyus/ « vie, longévité, force vitale » et वेदाः /vedā/ « connaissance, savoir », en gros une « science de la longévité ».

Le mot आयुस /āyus/ « vie, longévité, force vitale » est issu de la racine indo-européenne /*ayu/ « vie » de laquelle provient le latin aevus (d’où le français âge).

Vidya Balan
Le mot वेदाः /vedā/ « connaissance, savoir »qui compose la deuxième partie de ayurveda est un terme qui dans l’hindouisme désigne un ensemble de textes à caractère sacré que l’on nomme les Védas. On le trouve aussi comme adjectif sous la forme védique. Il existe dans l’hindouisme un courant philosophique nommé वेदान्त Védanta « fin, raffinement du Véda » qui cherche l’unité de l’homme avec le reste du monde connu ou inconnu. Le suffixe /-anta/ « fin » accolé au mot /veda/  est un cognat de l’anglais end « fin ». C’est aussi l’origine du prénom Vidhya ou Vidya « savant(e) » tel celui de l’actrice indienne विद्या बालन Vidya Balan, membre du jury du festival de Cannes (et non festival de Khan) 2013.



On peut relier le mot véda et sa racine वि /vid/ « connaître, savoir » à la racine indo-européenne /*weid-/ « voir, savoir » de laquelle provient aussi le latin video « je vois », le français voir ou l’allemand  wisess « savoir ».