Le cauchemar des Peshmergas : l'ambroisie d'Amritsar
Les linguistes ont reconstruit
l’hypothétique racine indo-européenne /*mer-/ou/*mor-/
qui signifie « blesser, mourir ». De là provient le
latin mortus
mais aussi le radical sanskrit मर/mr/
« mourir ». Ainsi dans la mythologie védique,le monde des mortels se
nomme मर/mara/
et le mot मरन/marana/
signifie « mort ». Māra
est dans le bouddhisme le démon qui essaya en vain de tenter le
Bouddha et qui symbolise aussi la lutte contre ses pulsions
intérieures. En Scandinavie, la mare
ou mara
est un spectre qui hante les nuits et les rêves, et ce sont
peut-être les Normands qui en ont importé l’idée en France. On
trouve encore la trace de ce démon dans l’anglais nightmare
« mare de nuit, cauchemar » ou dans notre mot cauchemar,
directement issu du cauquemare,
la version française de la mara. Il existait aussi en Lituanie une
déesse du même nom dont la fête tombait le 15 août, une date sur
laquelle l’Église a plaqué la fête de la Vierge Marie. La
similitude phonétique entre Mara et Marie est le produit du hasard.
De cette même origine
indo-européenne provient le persan مرگ/marg/
« mort » duquel est issu le nom des Peshmergas,
les combattants kurdes. Leur nom signifie littéralement « (ceux
qui sont) devant la mort », le préfixe persan (et kurde) پيش/pêsh/
signifiant « avant, devant » (Peshawar « la ville
de devant (la frontière) »). L’ancien persan utilisait le
terme martiya
« être mortel » (moderne مرد/mard/)
pour nommer l’homme et c’est ce mot accolé au verbe خور/khvar/
« manger » qui a donné son nom au manticore
« le mangeur d’homme » encore connu en persan sous le
nom مردخوار/mardkhavâr/.
Le (ou la) manticore est un être fantastique de la mythologie
persane introduit dans le bestiaire européen par l’intermédiaire
des Grecs. Ce mot a aussi servi à nommer un genre d’insecte
(Manticora)
que l’on trouve notamment en Afrique Australe. La racine /*mer-/a aussi permis la
construction du mot sanskritअमरत
/amrta/
« immortel » dans lequel un a-
privatif précède le
mot मरता/mrta/
« mortel ». L’amrita
est dans l’hindouisme la source d’immortalité des Dieux,
breuvage obtenu après le barattage de la mer de lait dont quelques
goûtes sont tombées sur terre. On en a la trace dans le nom de la
ville sacrée des Sikhs, अमृतसर Amritsar
dont le nom sanskrit signifie « lac du nectar d’immortalité ».
En parallèle et du coté
occidental de la civilisation indo-européenne, la nourriture des
Dieux grecs était l’ambroisie.
On fait d’ordinaire descendre ce mot du grec ancien αμβροσία
/ambrosia/qui est composé, comme dans le sanskrit amrita, d’un a-
privatif et du nom βροτος /(m)brotos/« mortel ».
De la même façon, la plante nommée amarante
tient son nom du mot /amarainein/« immortel ».
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